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Mémoire, récit et contamination dans La Fée Carabine de Daniel Pennac Jean-Xavier Ridon — Tu es un Annamite obtus, c'est très rare. — Une sorte de Français, quoi. (La Fée Carabine, 98) LES TEXTES DE DANIEL PENNAC appartiennent à la mouvance contemporaine qui trouve dans le genre du roman noir l'espace littéraire idéal où parler d'identité, ce problème épineux auquel se confronte la société française actuelle. Comme Didier Daeninckx et Jean-Claude Izzo,1 il est à l'écoute de voix nouvelles qui émanent, entre autres, de groupes ethniques minoritaires issus des mouvements migratoires . Mon étude portera essentiellement sur le deuxième volume de la quadrilogie Malaussène, La Fée Carabine,1 qui propose des formes de mises en contact où s'élabore une vision personnelle de ce que peut être une société multi-ethnique. Au-delà du discours politique de l'intégration qui recherche les moyens de formuler le modèle d'un mélange, Pennac nous offre, dans une fiction romanesque, grâce à une redéfinition de ce qu'est un récit, une vision originale de ce que pourrait être une communaut é plurielle. La Fée Carabine se bâtit sur deux intrigues principales; une trame policière traque le meurtrier de plusieurs vieilles dames assassinées à Belleville; les inspecteurs Van Thian et Pastor sont chargés de l'enquête. La deuxième intrigue explore les conséquences de la dissémination de la drogue au sein de la communauté du troisième âge dans le même quartier de Paris. Ces deux histoires sont étroitement liées puisqu'on découvre, à la fin du roman, que le meurtrier des grands-mères est lui-même une personne âgée, le vieux Risson, poussé à perpétrer ces meurtres afin d'obtenir l'argent nécessaire pour acheter sa dose d'héroïne. Au centre de ces histoires se trouve la famille Malaussène dont le frère aîné, Benjamin , est soupçonné à tort d'être impliqué dans ces assassinats. En réalité, cette famille s'est donné comme tâche de guérir un groupe de grand-pères dont fait partie le vieux Risson et qui sont tous d'anciens junkies. Pennac élabore une fiction où les identités des personnages défient notre attente, il travaille à détourner des modèles de leur représentation habituelle. 50 Fall 1997 RIDON La scène d'ouverture du roman est en cela éloquente. Une grandm ère à l'apparence des plus amicales et pacifiques traverse une plaque de verglas et tue froidement un jeune policier qui voulait l'aider à ne pas trébucher sur la glace: Oui, sur la plaque de verglas, il y avait une femme, très vieille, debout, chancelante. Elle glissait une charentaise devant l'autre avec une millimétrique prudence. Elle portait un cabas d'où dépassait un poireau de récupération, un vieux châle sur ses épaules et un appareil acoustique dans la saignée de son oreille. (13) Ce qui nous est donné à lire ici, c'est le stéréotype de la grand-mère, être inoffensif et sans défense, qui ne peut se mouvoir facilement. Or cet être que l'on croyait identifier (on peut reconnaître ses pantoufles ainsi que son châle comme attributs typiques de la grand-mère) se révèle être une tueuse impitoyable et au sang froid qui ne se retourne même pas sur le cadavre de sa victime. Pennac perturbe les éléments de reconnaissance du lecteur ou de la lectrice en accolant deux stéréotypes, celui de la grand-mère et celui du meurtrier. On reconnaît ces deux personnages pour mieux constater une différence, qui permet alors d'établir une intrigue au sein de la narration. Comment et pourquoi une grand-mère peut-elle être aussi une tueuse? Pennac nous prévient d'entrée de jeu que les identités de son texte ne seront pas faciles à cerner car elles seront confront ées soit à leur contraire, soit à des éléments dont elles...

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